Sur les pas de Jeanne d'Arc (Fontgombault)
Sur les pas de Jeanne d'Arc (Bourges)
Sur les pas de Jeanne d'Arc (Fontgombault)
Sur les pas de Jeanne d'Arc (Bourges)
Sur les pas de Jeanne d'Arc (Fontgombault)
Sur les pas de Jeanne d'Arc (Bourges)
Jeanne d'Arc et Sainte Thérèse
Thérèse admirait beaucoup Jeanne d'Arc qui fut déclarée " Vénérable" en 1894. Elle veut l'imiter dans ses grands désirs... Jeanne; coeur de feu, âme de guerrier... Ce feu de l'amour qui consume Jeanne va influencer Thérèse
" Lorsque je commençais à lire l'histoire de France, les exploits de Jeanne d'Arc me ravissaient. Je sentais en mon âme le désir et le courage de l'imiter. Il me semblait que le Seigneur me destinait aussi à de grandes choses. Je ne me trompais pas, mais au lieu de voix voix du ciel m'invitant au combat, j'entendit, au fond de mon âme, une voix plus douce, plus forte encore, celle de l’Époux des Vierges qui m’appelait à d'autre exploits, à des conquêtes plus glorieuses, et, dans la solitude du Carmel, j'ai compris que ma mission n'ait pas de faire couronner un roi mortel, mais de faire aimer le Roi du Ciel"
« Dieu, premier servi »
."Sur les pas de Jeanne d'Arc en Berry" ça commence aujourd'hui !
Hier, l'équipe de coordination est allée au Puy du Fou qui nous confié la précieuse "relique".
Un objet historique qui nous rappelle que notre Foi chrétienne ne repose pas sur des légendes issues de l'imagination des hommes, mais sur la Révélation d'un Dieu qui s'engage dans le concret de l'histoire humaine, jusqu'à prendre chair de notre chair. Et de siècles en siècles, il ne cesse de prendre corps au cœur de l'humanité pour ordonner l'histoire au Salut de tous les hommes et de tout l'homme.
2 – équilibrer
action et contemplation :
Témoin d’un Dieu qui s’engage et s’incarne dans les tourments de l’aventure humaine, Jeanne se fait servante de la conversion de l’Histoire pour qu’elle puisse redevenir une Histoire du Salut. Mais renverser le cours dramatique de l’Histoire pour réordonner celle-ci au dessein salvifique de Dieu, n’est à la portée que de Dieu lui-même. Et pour devenir servante d’un tel projet, l’on devine que Jeanne dû surmonter les mêmes et légitimes timidités qui furent celles de Moïse au buisson ardent : « Qui suis-je pour aller trouver Pharaon, et pour faire sortir d’Égypte les fils d’Israël ? » (Ex 3, 10). Nous connaissons la suite de cette conversation : Moïse dit encore au Seigneur : « Pardon, mon Seigneur, mais moi, je n’ai jamais été doué pour la parole, ni d’hier ni d’avant-hier, ni même depuis que tu parles à ton serviteur ; j’ai la bouche lourde et la langue pesante, moi ! » Le Seigneur lui dit : « Qui donc a donné une bouche à l’homme ? Qui rend muet ou sourd, voyant ou aveugle ? N’est-ce pas moi, le Seigneur ? Et maintenant, va. Je suis avec ta bouche et je te ferai savoir ce que tu devras dire. » (Ex4, 10-12). Ainsi donc, Jeanne, comme Moïse en son temps, va vivre l’expérience de l’inspiration pour être en capacité d’accomplir sa mission. Cela suppose que la vie active soit préparée et commandée par une vie contemplative. A en croire ses contemporains et à la croire elle-même, cette articulation exemplaire entre action et contemplation se noue dans son rapport à ses voix et aux sacrements. Alors qu’en est-il à ce propos, et qu’est-ce que cela peut nous dire aujourd’hui ?
2, 1 - A
l’écoute des voix :
Lors du procès de réhabilitation, les témoignages des habitants de Domremy décrivent Jeanne comme une fille de son temps, reconnue comme pratiquante assidue selon les critères de l’époque. Dans son ouvrage intitulé “Jeanne d’Arc, par elle-même et par ses témoins”, Régine Pernoud cite, entre autre, la déposition d’un laboureur de 44 ans, Simonin Musnier, qui raconte : « J’ai été élevé avec Jeanne la Pucelle à côté de la maison de son père. Je sais qu’elle était bonne, simple, pieuse, craignant Dieu et ses saints ; elle allait souvent et volontiers à l’église et aux lieux saints, soignait les malades et donnait l’aumône aux pauvres ; cela je l’ai vu, car j’ai été moi-même malade et Jeanne venait me consoler (…) ». Les autres témoignages concordent pour la décrire comme une fille de prière, d’une prière simple, mais fervente, apprise en famille et vécue en Eglise. Ainsi, celui d’un autre laboureur qui fut son camarade d’enfance, un certain Colin de Greux : « Elle allait volontiers à l’église, comme je l’ai vu, car chaque samedi après-midi, Jeanne, avec sa sœur et d’autres femmes, allait à l’ermitage de Notre-Dame de Bermont et portait des cierges ; elle était très dévote envers Dieu et la bienheureuse Vierge, au point qu’à cause de sa piété, moi-même, qui était jeune alors et d’autres jeunes gens, nous la taquinions(…) ».
Familière de Dieu, habituée à
la prière, Jeanne a 13 ans en 1425, lorsqu’elle “entend des voix” qui lui
parlent de la part de Dieu. Le 22 février 1431, au cours de la seconde audience
publique de son procès, elle explique : « Quand j’eus l’âge de 13 ans, j’eux
une voix de Dieu pour m’aider à me gouverner (…) ». Au fil de l’entretien elle
précise que la voix « (…) m’enseigna à bien me conduire, à fréquenter
l’église. Elle me dit qu’il était nécessaire que je vinsse en France. » A Jean Beaupère, (l'un de ses juges et amis personnel de l'évêque Cauchon), qui continue de la
questionner, elle dit un peu plus tard au cours d’une explication : « Alors
j’avais fréquemment mes voix, avec celle dont
j’ai déjà fait mention. »
(p.
40) Ainsi apparait un passage du singulier au pluriel, qui permet au fil du
procès de distinguer ce que son interrogateur appelle “la voix qui vient à
vous”, une voix singulière et particulière qui conseille personnellement Jeanne
dans ce qu’elle à dire et à faire. Et des voix plurielles identifiée le 24
février lors de la troisième audience publique :
Jean-Beaupère l’interroge en demandant : «Etait-ce voix d’ange qui vous parlait, voix de saint, de sainte ou de Dieu sans intermédiaire ? » D’une réponse à l’autre, Jeanne s’explique en précisant : « c’est la voix de Sainte Catherine et de sainte Marguerite. (…) je sais bien que ce sont elles, et je les connais bien l’une de l’autre. Je les connais par le Salut qu’elles me font. Il y a bien sept années qu’elles m’ont prise pour me gouverner. Je les connais parce qu’elles se nomment à moi. (…) j’ai eu aussi confort de Saint Michel. (…) ce fut Saint Michel que je vis devant mes yeux. Et il n’était pas seul, mais bien accompagné d’ange du ciel. »
Mais, juste avant ces précisions, (p 65) Jeanne a pu évoquer des difficultés ponctuelles de compréhensions “des voix”. Au cours de la conversation, elle dit en effet à propos de la voix et d’un sujets particulier : « je ne la comprenais pas bien, et ne comprenais chose que je puisse répéter jusqu’au retour en ma chambre. » Elle réaffirme plus loin n’avoir pas bien comprise sa voix à propos d’une autre question, avant de dire, pour justifier un refus de répondre : « sur aucuns points, j’ai eu conseil ; et sur aucuns on pourra me demander réponse, sur quoi je ne répondrai pas sans congé. Et si je répondais sans congé par aventure, je n’aurais pas les voix en garant. Quand j’aurais congé de Notre Seigneur, je ne craindrais pas de parler, car j’aurai un bon garant. »
Cela signifie que
l’encouragement plusieurs fois réitéré “des voix” à “répondre hardiment” à ses
juges ne signifie pas pour Jeanne d’avoir à réagir sur le fait ni à rétorquer du
tac au tac. Son sens de la répartie, devenu légendaire, n’est pas une
imprudence qui s’octroierait l’économie d’un temps de réflexion. Dans les tumultes de son temps, Jeanne défend
et protège la nécessité de la durée pour un bon discernement.
En cela, Jeanne se révèle configuré à l’humilité du Christ prophète, dont l’évangile de Jean nous transmet les propos suivants :
Alors, Jésus s’écria : « Celui qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en Celui qui m’a envoyé ; et celui qui me voit, voit Celui qui m’a envoyé. Moi qui suis la lumière, je suis venu dans le monde pour que celui qui croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. Si quelqu’un entend mes paroles et n’y reste pas fidèle, moi, je ne le juge pas, car je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver. Celui qui me rejette et n’accueille pas mes paroles aura, pour le juger, la parole que j’ai prononcée : c’est elle qui le jugera au dernier jour. Car ce n’est pas de ma propre initiative que j’ai parlé : le Père lui-même, qui m’a envoyé, m’a donné son commandement sur ce que je dois dire et déclarer ; et je sais que son commandement est vie éternelle. Donc, ce que je déclare, je le déclare comme le Père me l’a dit. » (Jean 12, 44-50)
Cette déontologie de la prise
de parole publique, qui conduit Jeanne comme Jésus à s’effacer derrière celui
qui les envoie, en se donnant les moyens d’authentifier ce qu’ils disent comme
provenant bien d’un autre qu’eux-mêmes, s’enracine dans le souci constant de
l’écoute. A ce sujet, la lecture du procès nous permet de constater ce que l’on
pourrait désigner comme un sens profond de la responsabilité prophétique chez
Jeanne. En toute franchise et simplicité, elle évoque quelques fois des
difficultés à comprendre ses voix, et la nécessité d’un délai de discernement
pour vérifier, clarifier et authentifier ce qu’elle perçoit. Il lui arrive
d’ailleurs d’exiger que ce délais lui soit accordé, non pas comme stratégie de
défense, mais plutôt comme durée nécessaire à un discernement dans l’Esprit. De
fait lorsqu’au cours de l’interrogatoire du 24 février 1431, Jean Beaupère lui
demande : « la voix vous a-t-elle défendu de dire
révélations ? », Jeanne avoue son ignorance à ce sujet et demande un
report de la réponse en disant : « De cela, je n’ai pas été
conseillée ? Donnez-moi délai de quinze jours et je vous répondrais sur
cela. Si la voix me l’a défendu, que voulez-vous y redire ? »
Jamais, Jeanne ne se laisse presser par ses juges et ne confond vitesse et précipitation. Là encore, il semble se rejouer une page d’Evangile, précisément celle de la visite de Jésus chez Marthe et Marie. St Luc la raconte comme suit :
Chemin faisant,
Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut. Elle avait
une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa
parole. Quand à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du
service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que
ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de
m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te
donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire.
Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » (Luc 10,
38-42)
Dans ce récit se joue l’appel à établir un juste rapport entre action et contemplation. Jésus subordonne la première à la seconde, et face à Marthe, il défend la part de la vie de Marie consacrée à se tenir à ses pieds pour écouter sa Parole. C’est exactement l’attitude que Jeanne adopte au cours de son procès. En différant ses réponses pour se donner le temps d’en recevoir l’inspiration, elle protège coûte que coûte la part de son temps consacré à se tenir en présence de Dieu pour écouter sa Parole. Et pour être femme de Parole, il faut que Jeanne, en Christ, soit d’abord femme d’écoute. Et dans ce primat de l’écoute des voix, dans ce refus d’être à elle-même sa propre référence, s’équilibre un juste rapport entre action et contemplation.
Dès que nous avons décidé d’organiser une mission paroissiale autour de la figure de Ste Jeanne d’Arc, il est immédiatement apparu que la Pucelle d’Orléans ne faisait pas l’unanimité des dévotions. En 2023, il y existe, chez les uns et les autres, des réticences à la mettre en valeur, et pourtant, pourtant, elle est à la fois héroïne nationale et sainte catholique, élevée au panthéon de nos gloires patriotiques bien avant d’être canonisée par l’Eglise. Rares sont les églises de nos diocèses qui, à l’instar de St Antoine de Padoue, de Ste Bernadette, du curé d’Ars et de Ste Thérèse de Lisieux, ne contiennent pas une effigie de Jeanne d’Arc ! Elle est bel et bien figure de Foi et modèle d’une vie évangélique. Elle doit bien avoir quelques chose à nous dire encore aujourd’hui, alors, commençons peut-être par prendre le temps de lever les quelques réticences !
La seconde réticence, quasi
immédiate elle aussi, c’est le malaise que nous avons d’imaginer la sainteté
compatible avec l’emploi des armes et le métier militaire. Jeanne d’Arc fut un chef de guerre, un général
des armées française qui mena ses troupes au combat et prit part à la bataille.
Mais nous savons bien qu’ici-bas, dans
ce monde qui est le nôtre, il est des violences qui ne s’arrêtent pas avec la
diplomatie et la persuasion. Il faut hélas consentir à ce que l’usage de la
force devienne inéluctable, à la fois nécessaire et légitime pour protéger le
faible, rétablir le droit et la justice. Dans l’Evangile de Luc, Jean-Baptiste
ne demande pas aux soldats de changer de métier pour se convertir, mais
simplement d’accomplir leur devoir d’une certaine manière : « Ne
faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous
de votre solde. » (Luc 3, 10-15).
La troisième réticence plus
diffuse et culturelle celle-ci, c’est que Jeanne fit l’objet d’un nombre
considérable de romans et de film, dans lesquels l’imagination à souvent pris
des libertés avec la vérité de l’histoire. De la sorte, il existe “des
légendes” de Jeanne d’Arc, qui façonnent dans nos mémoires une image déformée
de ce qu’elle fut réellement. Que l’on pense par exemple aux crises d’hystéries
de Milla Jovovitch dans la “Jeanne d’Arc” de Luc Besson en 1999. Il faut
régulièrement que des historiens sérieux s’emploient à redire la vérité et
corriger les erreurs. Régine Pernoud hier, Valérie Toureille aujourd’hui, nous
redisent qu’il n’y a pas de personnage au XV° siècle sur lequel nous sommes le mieux
et le plus abondamment documenté. Mais il nécessaire de prendre un peu de
distance avec l’image spontanée que nous avons d’elle, en nous redonnant les
moyens de “réviser nos cours d’histoire”.
Contexte politique :
Bien des historiens s’accordent
à penser que la période la plus noire de notre histoire de France est sans
doute celle que l’on désigne comme “la guerre de 100 ans”. Celle-ci connut des accalmies,
mais il n’empêche que le pays fut profondément ravagé durant de très longues
années, par deux guerres concomitantes.
Il y a celle contre les Anglais
qui débute en 1337 (75 ans avant la naissance de Jeanne). Elle est d’abord marquée par la domination
anglaise, qui va infliger de grands revers aux Français. Citons la bataille de
Crécy en 1346, puis la défaite de Poitier en 1356, face aux troupes du Prince
Noir. Le contexte social et économique s’en trouve profondément et durablement dégradé,
ce qui suscite des révoltes plus ou moins violentes et organisées, dont celle d’Etienne
Marcel et la grande Jacquerie de 1358 (54 ans avant Jeanne). De 1360 à 1380,
les armées françaises connaissent un répit à leurs difficultés, sous la
houlette de Charles V et du Guesclin, qui remportent un certain nombre de
succès militaires. Mais à leurs morts (en 1380) s’inaugure le règne compliqué
de Charles VI, (“Charles le Fol”) lequel
va progressivement sombrer dans la démence.
Commence alors une seconde guerre : la guerre civile qui oppose Armagnac et Bourguignon, de 1407, (soit 5 ans avant la naissance de Jeanne) jusqu’en 1435. La santé mentale de Charles VI le conduit à des crises de folie qui justifie de le placer sous contrôle. Et les deux branches cadettes des Valois s’écharpent pour le contrôle de la Régence. Ce conflit affaibli encore plus le Royaume de France et fait le jeu de l’Angleterre. La défaite d’Azincourt, en 1415 (Jeanne à 3 ans), avec l’effondrement de la chevalerie Française, catalyse les malheurs du pays. La disparition de 6000 chevaliers, parmi lesquels, de nombreux grands seigneurs, duc et princes de sang, à une époque où les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ne sont pas séparés, précipite le pays dans des difficultés de gouvernance à toutes les échelles. Ainsi s’ajoute aux malheurs du temps, une insécurité permanente due aux bandes de brigands qui écument les campagnes et que nul ne contient. Notons qu’après le traité de Troye (21 mai 1420) qui modifie les règles de succession au trône de France, puis la mort des deux rois de France et d’Angleterre en 1422, la guerre reprends de plus belle. Jeanne a alors 10 ans.
A ces deux guerres simultanées,
s’ajoute une autre calamité. En effet, 65 ans avant la naissance de Jeanne,
l’Europe est frappée par la grande épidémie de Peste Noire (de 1347 à 1351). Certains historiens estiment qu’elle a tué 7
millions de Français sur une population de 17 millions à cette époque. Quasiment
1/3 de la population de l’Europe va disparaitre, avec toutes les conséquences que
cela peut avoir, notamment des épisodes de famines liés à la disparition de la
main d’œuvre agricole et la diminution des surfaces cultivées. Le cocktail
guerre/insécurité/épidémie n’en finit pas d’entretenir et d’amplifier les
épreuves !
Contexte
religieux :
De fait, le contexte religieux est celui d’une Eglise profondément meurtrie par “le grand schisme d’occident”. En 1378 (34 ans avant la naissance de Jeanne), l’Eglise se divise en deux obédiences, avec d’un côté, Urbain VI, pape à Rome, que les historiens nous disent soucieux de revenir à l’Evangile ; et de l’autre Clément VII qui gagne Avignon en 1379. Les deux obédiences se configurent aux divisions déjà acquises de la guerre 100 ans. Elles se répartissent et fluctuent en fonction des partis-pris de la politique. Le St Empire Romain Germanique est l’objet de toutes les sollicitations par les deux clans de Rome et d’Avignon, qui veulent l’agréger chacun à son camp. Mais, s’il se dessine dans les territoires des tendances majoritaires pour les obédiences, on ne peut constater de réelle homogénéité d’appartenance aux échelons locaux. Le schisme divise profondément la chrétienté latine, jusqu’à l’intérieur même des diocèses, des ordres monastiques et des paroisses aussi.
En 1394 (18 ans avant la
naissance de Jeanne), le pape de Rome est Boniface IX et celui d’Avignon, Benoit
XIII. Pour tenter de résoudre le schisme, l’on tente de contraindre l’un des deux
papes à abdiquer en faisant des “soustraction d’obédience” (en 1395, puis
1407). Cela signifie que des évêques, en France notamment, prennent leur
indépendance matérielle, fiscale et disciplinaire vis-à-vis de la papauté, pour
faire allégeance aux pouvoirs temporels. Cela ne réussira pas, et bien au
contraire, cultivera et renforcera les antagonismes au sein de la hiérarchie de
l’Eglise, ainsi que les confusions entre spirituel et temporel. Qui plus est,
en se liant aux pouvoirs temporels, bien
des ecclésiastiques de haut rang y perdront leur autonomie et liberté politique.
En 1409 (3 ans avant la naissance de Jeanne), le Concile de Pise démets les deux papes et en élit un autre, Alexandre V, de sorte qu’en 1410, il y a 3 papes : le pape de Rome, Grégoire XII, l’antipape Jean XXIII, à Pise, et enfin l’autre antipape Benoit XIII. En 1415, le Concile de Constance dépose les antipapes, convainc le pape d’abdiquer et élit Martin V en 1417 (Jeanne à 5 ans). Mais Benoit XIII se retire en Aragon et demeure “antipape” jusqu’à sa mort en 1423.
Questions actuelles :
Ces rappels d’histoire nous permettent de comprendre que Jeanne nait dans un monde particulièrement complexe et meurtri. Or, dans cette situation historique détériorée sur tous les plans, commence aussi à s’engendrer un monde nouveau. Dans la douleur, émergent par exemple et progressivement les états où l’idée de “couronne” devient plus importante que la personne du Roi. La Renaissance a commencée en Italie, la “modernité” est en germe, et c’est tout cela qui fait que la vie de Jeanne demeure d’une grande actualité et nous interroge : comment dans un contexte si peu favorable, une jeune femme, laïque, a su tracer un chemin de foi, d’Espérance et de charité ? Comment dans les méandres historiques d’une période tourmentée, cette jeune chrétienne va s’ouvrir une voie de sainteté ? Quel était son rapport à la politique, au conflit armé, à l’Eglise qui tour à tour la soutint et la condamna ?
Il faudrait être historient et théologien pour donner à ses questions l’ampleur et l’approfondissement qu’elles méritent. L’auteur de ces lignes n’est ni l’un, ni l’autre, mais simplement un curé de campagne dont la quasi-totalité des églises qu’il dessert abrite une statue de Jeanne d’Arc. Les propos qui s’ensuivent ne peuvent avoir qu’un objectif : redire et servir la pertinence de la figure de Jeanne d’Arc pour notre temps, en dégageant quelques pistes (parmi d’autres possibles) de réflexions pastorales et spirituelles pour nos vies personnelles et paroissiales.
1er repère spirituel :
1 – Une spiritualité de l’incarnation ou la conversion de l’histoire !
Ainsi donc, les voix de Jeanne
d’Arc sont celles de St Michel, de Marguerite d’Antioche et de Catherine
d’Alexandrie. Des voix qui ne sont que médiatrices d’une parole de Dieu que
l’on n’entend pas directement. Il faut dire qu’en cette fin du Moyen âge, seuls
les clercs ont accès aux textes de l’Ecriture, et les fidèles seraient bien en
peine de citer des passages bibliques. D’autant que Jeanne ne sait ni lire ni
écrire. Dans le panégyrique de Jeanne qu’il prononça le 22 mai 2022 en la
cathédrale de Rouen, Monseigneur Jean-Pierre Batut, dit à propos des
révélations de Jeanne, que l’on “discerne dans les voix la présence de Eglise.
L’Eglise du ciel se penche vers celle de la terre et accompagne sa marche dans
le temps. Et ce faisant, elle se montre solidaire des interrogations et des
combats de cette même église pérégrinant, qui a son tour ne saurait rester
étrangère au drame des individus, des familles et des peuples.” L’évêque de
Blois poursuit son discours en faisant référence au Concile Vatican II, dans sa
Constitution Pastorale sur l’Eglise dans le monde ce temps : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses
des hommes de ce temps, des pauvres surtouts et de tous ceux qui souffrent,
sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des
disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho
dans leur cœur. (…) La communauté des chrétiens se reconnait donc réellement et
intimement solidaire du genre humain et de son histoire ». (GS n°1)
De fait, les voix de Jeanne ne
lui parlent pas de la pluie et du beau temps ! Comme elle en témoigne à
son procès, ses voix lui parlent de la
situation politique de son pays, des conflits en cours, de l’art et la manière
de les conduire, des questions juridiques quant à la légalité des prétentions
royales, etc. Ainsi, de la part de Dieu, les voix conduisent Jeanne d’Arc à
comprendre que son Seigneur a décidé d’intervenir dans le concret de l’histoire
pour que l’histoire des hommes, qui depuis 100 ans n’est qu’histoire dramatique,
histoire de violence et d’affrontements, de guerre et de mort, que cette
histoire-là devienne une histoire de droit et de justice, puis de paix et de
réconciliation, et donc de charité.
On comprend alors quel est le
sens de la mission de Jeanne d’Arc et ce qui fait sa sainteté. C’est le même
mystère qu’au buisson ardent lorsque Dieu dit à Moïse (je cite) :
Ex 3, 7-9 : «J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple
qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants.
Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main
des Égyptiens (…) Maintenant, le cri des fils d’Israël est parvenu jusqu’à
moi, et j’ai vu l’oppression que leur font subir les Égyptiens. Maintenant
donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon
peuple, les fils d’Israël. »
Il s’agit ni plus ni moins que
du mystère de l’incarnation, c’est-à-dire celui d’un Dieu qui se fait homme,
qui s’engage dans les tourments de notre histoire d’ici-bas, pour que cette histoire de péché et de
perdition devienne une histoire du Salut. C’est bel et bien tout le mystère de
l’incarnation, c’est la sainteté de Jeanne, et c’est l’appel qui nous est
adressé : à la suite du Christ, de Ste Jeanne d’Arc et de tant d’autres,
ne pas se contenter d’être les spectateurs et les commentateurs de la vie
humaine, mais s’y engager résolument, sans crainte, pour en devenir les
acteurs ! Et des acteurs qui renversent le cours de l’histoire pour mettre
fin aux malheurs, aux injustices et aux violences jusqu’à ce qu’advienne le
règne du seul vrai roi : roi de justice et de paix, d’amour et de vérité.
Les paroisses du Blanc et de Tournon St Martin, soucieuses de proposer la foi à leurs habitants, organisent régulièrement des missions paroissiales, inspirées par les saints et les saintes de notre Eglise, et peut-être même “de nos églises”. De fait, à visiter les unes puis les autres, force est de constater qu’il est des figures que l’on retrouve quasi systématiquement dans les statues et vitraux de chacune d’elle. Partout ou presque, nous avons Ste Thérèse de Lisieux, Ste Bernadette, le St Curé d’Ars, St Antoine de Padoue, et… Ste Jeanne d’Arc.
Pour l’année pastorale 2022/2023, c’est donc autour de celle qui est à la fois sainte et héroïne nationale que nous nous rassemblons. Et pour créer l’évènement propre à aiguiser notre curiosité spirituelle, stimuler notre prière et revitaliser notre Foi, nous accueillerons “l’anneau de Jeanne d’Arc” dans nos paroisses et notre diocèse, le prochain week-end des 6, 7 et 8 mai.
Or, il ne va pas toujours de soi d’accorder notre dévotion à Jeanne d’Arc. Certains éprouvent comme une gêne à reconnaitre et vénérer une forme de sainteté qui prit parti par les armes et en politique. On aimerait peut-être, que Dieu nous élève au-dessus des conflits, des afflictions et des agitations de notre condition humaine si bassement terre-à-terre, pour nous élever à des hauteurs qui nous fassent évader de ce monde ? Mais ce monde tel qu’il est, est le monde de Dieu, celui qu’il a résolu de sauver et dans lequel il veut nous incarner avec lui. Là est peut-être le premier appel qui jaillit de la vie de Jeanne ?
De fait, avec elle, nous redécouvrons d’abord le passé douloureux et meurtri de notre pays, ce contexte historique qui donne le sens et l’ampleur de sa sainteté.
Qu’on y pense : lorsqu’elle nait à Domrémy, en 1412, cela fait déjà plus de 70 ans que dure la guerre avec les Anglais. Dans ce laps de temps, la France a connu aussi les Grandes Jacqueries, dont celle d’Etienne Marcel en 1358. C’est aussi dans cette période que la peste noire à ravagée l’Europe (1347-1351), avec les dégâts considérables que cette épidémie engendra. 5 ans avant la naissance de Jeanne, en 1407, la guerre civile entre Armagnac et Bourguignon vient ajouter aux épreuves de la population, qui subit alors deux guerres concomitantes. Et en 1415, alors que Jeanne n’a que 3 ans, la défaite d’Azincourt vient catalyser les malheurs du pays.
Au cours de ces mêmes années, l’Eglise est profondément défigurée par “le grand schisme d’occident”. En 1378 (34 ans avant la naissance de Jeanne), elle se divise en deux obédiences, avec d’un côté, Urbain VI, pape à Rome, que les historiens nous disent soucieux de revenir à l’Evangile ; et de l’autre Clément VII qui gagne Avignon en 1379. En 1409 (3 ans avant la naissance de Jeanne), le Concile de Pise démets les deux papes et en élit un autre, Alexandre V, de sorte qu’en 1412, à la naissance de Jeanne, il y a 3 papes : le pape de Rome, Grégoire XII, et deux antipapes, Jean XXIII, et Benoit XIII.
Ces rappels d’histoire nous permettent de comprendre que Jeanne nait dans un monde particulièrement complexe et meurtri. Mais c’est justement en raison de cette situation historique détériorée sur tous les plans, que la vie de Jeanne demeure d’une grande actualité et nous interroge : Comment dans les méandres historiques d’une période tourmentée, cette jeune chrétienne de 19 ans va ouvrir une voie de sainteté ? Comment dans un contexte si peu favorable, une jeune femme, laïque, a pourtant su tracer un chemin de foi, d’Espérance et de charité ?
En Ste jeanne d’Arc s’actualise de manière toute particulière le mystère de l’incarnation, tel qu’il fut annoncé dans l’épisode du buisson Ardent, lorsque Dieu dit à Moïse : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens (…) Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël » (Ex 3, 7-9 ). Il s’agit bien de cela : d’un Dieu “qui descend”, qui assume notre humanité, qui s’engage dans les tourments de notre histoire d’ici-bas, pour que cette histoire de péché et de souffrances devienne une histoire du Salut. Il se joue là comme une conversion de l’Histoire qui nous redit ce qu’est la sainteté de Jeanne et d’où résonne un appel pour nous, aujourd’hui : à la suite du Christ, de Ste jeanne d’Arc et de tant d’autres, ne pas se contenter d’être les spectateurs et les commentateurs de la vie humaine, mais s’y engager résolument, sans en craindre les ambiguïtés, pour en devenir les acteurs ! Des acteurs qui, à la mesure et gré de la grâce, renversent le cours de l’Histoire et de nos histoires, pour mettre fin aux malheurs, aux injustices et aux violences et servir l’avènement d’un le règne de justice et de paix, d’amour et de vérité. Et ce faisant, “Messire Dieu premier servi !”
A la demande de notre évêque, cette mission paroissiale prend une dimension diocésaine, avec une pérégrination de l’anneau dans le Cher, qui offre à tous l’occasion d’un “pèlerinage sur les pas de Jeanne d’Arc en Berry”, dont le programme est le suivant :
Samedi 06 mai : à l’abbaye de Fontgombault
- 10h00, messe votive de Ste Jeanne d’Arc - 11h30-12h50, Ostension de l’anneau pour la vénération des fidèles - 14h50, Ostension de l’anneau pour la vénération des fidèles, animée par les Scouts - 20h45, office des Complies et procession au Flambeau
Dimanche 07 mai : à Bourges
- 10h45, accueil de l’anneau et entrée solennelle dans la cathédrale.
- 11h00, Messe pontificale présidée par Mgr Jérome Beau
- 12h15-13h15, Ostension de l’anneau pour la vénération des fidèles à Mehun sur Yèvre
- 16h00, mise en place de la procession, place du 14 juillet.
- 17h00, vêpres solennelle en l’église de Mehun
- 17h30-18h15, Ostension de l’anneau pour la vénération des fidèles
Lundi 08 mai : au Blanc
- 09h30, procession stationnale à travers la ville, depuis le château Naillac. - 11h00, messe pontificale à l’église St Génitour présidée par Mgr Jérome Beau - 12h30, Ostension de l’anneau pour la vénération des fidèles. Pendant ce temps, repas médiéval aux salles paroissiales (veau à la broche et pique-nique-barbecue tiré du sac) - 17h00, Adoration et Salut au St Sacrement à l’église St Génitour
Au Blanc, le 08 mai, la procession se déroulera avec un cortège équestre, constituée de Jeanne d’Arc et ses pages, en armures. A 12h30, après la messe pontificale, un repas médiéval (veau à la broche offert par la paroisse, complété par les pique-nique-barbecue tirés du sac) est organisé dans les salles paroissiales à 50m de l’église, lieu de la messe, de l’ostension et du temps d’adoration qui conclura ce week-end.
Soyez tous les bienvenus !
Père Patrick Guinnepain,
curé doyen du Val de Creuse
Nos paroisses sont réparties sur 20 communes et comptent 21 églises.
- à l'espace Saint Génitour 6 rue du Gué 36300 LE BLANC, du mardi au vendredi de 09h00 à 12h00.
- au presbytère de Tournon Saint Martin 7 et 9 rue de la gare 36220 TOURNON SAINT MARTIN, les premiers et troisième mercredis du mois de 10h00 à 16h00.