Méditation sur la Sainte Famille (publié le 12/12/2021)

Frères et sœurs, pour célébrer la Ste famille, commençons par rappeler cet épisode dans lequel Jésus affirme que sa mère et ses frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique (Luc 8, 20-21). Ainsi, de la bouche même du Christ, nous savons que sa famille ne se restreint pas à celle des liens du sang, mais s’élargit à celle des liens de la Foi. La Sainte famille de Jésus, c’est l’ensemble des baptisés, c’est l’Eglise, chargée de l’accueillir en son sein et de le manifester au monde.

Or ces derniers temps, force est de constater que la famille du Christ que nous formons, n’a pas été aussi sainte que nous l’aurions voulu. A force de scandales, elle a plutôt montré à l’opinion publique qu’elle était une famille loin d’être sainte !

Dans l’oraison d’ouverture de cette messe, nous affirmions : « tu as voulu Seigneur que la sainte famille nous soit donnée en exemple (…) » et nous demandions ensuite : «  accorde-nous de pratiquer comme elle les vertus familiales (…) » Alors prenons le temps de contempler l’exemple donné à l’Eglise par Marie et Joseph dans l’évangile de ce jour, pour que nos familles humaines, ecclésiales et paroissiales, redeviennent vraiment de “saintes familles”. Car Dans cet évangile, Marie et Joseph, à la recherche de Jésus, tracent un itinéraire de conversion en quatre temps, d’une belle actualité.



Le premier temps de cette conversion c’est de constater que Marie et Joseph ont perdu le Christ sans même sans apercevoir. Jésus n’était pas là où ils le pensaient, nous dit le texte. Il faut prendre le temps de mesurer ce qui nous est dit là, dans ce récit éminemment théologique : Il s’agit de Marie et de Joseph, de la “comblée de grâce”, de “l’immaculée conception” et du “juste d’entre les justes” ; il s’agit des deux bénéficiaires d’une grâce divine à nulle autre pareille, et qui sont en pèlerinage, en train de vivre leur foi avec une dévotion que nul ne soupçonne. Et pourtant, contre toute attente, malgré une sainteté réelle, ils ont perdu le contact avec Jésus sans même sans apercevoir, et ce, au cœur même de leur pratique religieuse !

Pour nous qui sommes ici, frères et sœurs, parce que nous sommes croyants et pratiquants, issus de familles où la foi va de soi parfois (mais pas toujours quand même), sommes-nous si sûr que le Christ est avec nous ? Sommes-nous certain qu’il est là où nous le pensons, facile à trouver et à contacter ? Et si la première sainteté de la famille ; c’était l’humilité de savoir que nul ne peut enfermer le Christ dans les limites de sa pratique religieuse et de son existence ? Que nul ne peut le retenir dans le cadre restreint de sa manière de vivre ? Nul ne peut être certain que le Christ est avec lui de manière sûre et irrévocable ! Même à Marie et Joseph il est arrivé de perdre le contact …

La première sainteté nos familles humaines et ecclésiales, c’est probablement de savoir que le Christ nous échappe toujours, qu’il est au-delà de nos certitudes, de nos manières de croire et de vivre, et qu’à la suite de Marie et Joseph, nous avons toujours à le chercher.


Le second temps de cette conversion, c’est l’échec de la première recherche : « ils ne le trouvèrent pas parmi leurs parents et connaissances ». Marie et Joseph en quête du Christ, commencent par le chercher dans le cercle immédiat de leurs relations humaines. Mais Jésus qu’ils avaient si bien reçu, seuls dans la crèche, n’est non seulement pas enfermé dans le cercle restreint de la première cellule familiale, mais il n’est pas non plus dans le réseau de la famille élargie, ni même dans celui de leurs amis et relations. Jésus ne se trouve pas dans l’entre soi de gens qui se fréquentent, à bon droit pourtant. Sa présence n’est pas assurée dans le groupe de pèlerins qui se rassemblent et peut-être, se ressemblent. Marie et Joseph vont devoir aller au-delà de leurs réseaux habituels.

La sainteté de nos familles humaines et ecclésiales, c’est probablement de savoir aussi que Jésus-Christ n’appartient pas à un groupe donné, un clan ou une caste. La sainteté d’une famille n’est pas la conformité à un modèle social qui ne sera jamais que celui d’une époque et d’une culture. La sainteté de nos familles passe par leur capacité à élargir le périmètre de leurs relations, car la présence du Christ n’est pas limitée ni même assurée à l’intérieur d’un seul groupe, fut-il celui des “catho-pratiquants” ! Pour retrouver le Christ, il convient d’agrandir la recherche, de sortir des cercles trop familiers de nos relations habituelles.

C’est ce que vont faire Marie et Joseph ; et merci à nos catéchumènes, arrivés chez nous alors qu’ils ne sont pas “du sérail”, qu’ils ne sont pas “tombés dedans quand ils étaient petits”. Ils sont une grâce pour nous sans laquelle nous ne pourrions retrouver le Christ !


Le troisième temps de cette conversion, c’est que Marie et Joseph ont retrouvé le Christ « (…) dans le temple, assis au milieu des docteurs de la Loi. Il les écoutait et leur posait des questions. » Il était donc là, en conversation religieuse avec d’autres croyants qui ne font pas partie de leur convoi de pèlerins, ni de leur parents et connaissances, mais qui fréquentent le Temple. Si l’on considère que ce temple d’hier, figure l’Eglise d’aujourd’hui, temple de l’Esprit car corps du Christ, cela nous interroge sur notre capacité à rencontrer d’autres croyants qui n’appartiennent pas aux mêmes cercles que nous, et qui pourtant, dialoguent avec le Christ ?

En continuité avec les deux premiers temps de la conversion, ce troisième nous interpelle sur ce que nous considérons comme périmètre de l’Eglise, et de notre famille paroissiale ? Et c’est justement l’une des questions du Synode en cours : qui est l’Eglise ? Ces gens qu’on ne voit jamais à la messe ni dans nos activités paroissiales, mais qui fondent un club de jardinier et nous demandent de célébrer une St Fiacre : ils sont baptisés, fils de Dieu et membres de son Eglise ! Ces couples qui frappent à la porte pour un mariage ou le baptême d’un enfant, sans jamais participer à notre pastorale ou à nos célébrations : Ils sont baptisés, fils de Dieu, membres de son Eglise ! Et tant d’autres qui vivent leur foi autrement …

Nous ne trouverons pas le Christ en dehors d’eux ! La sainteté de nos familles humaines et ecclésiales, c’est de savoir se mettre en route vers nos cousins les plus éloignés, pour y retrouver le Christ qui nous précède à leurs côtés. Et merci à ceux qui se mobilisent pour l’accueil et l’écoute des toutes ces personnes qui frappent à nos portes !


Enfin, le quatrième temps de cette conversion, c’est d’accepter la difficulté et la souffrance : « Vois comme nous avons souffert en te cherchant », dit Marie à son Fils. La quête du Christ, pour retrouver celui qu’ils avaient reçu et qui leur a échappé, n’est en rien un petit jeu de cache-cache rigolo. Ils ne le retrouvent qu’après trois jours, en ayant souffert pendant ce laps de temps. Chercher le Christ, le retrouver, ne peut se vivre sans consentir à passer par la Passion.

La sainteté de nos familles humaines et ecclésiales, c’est aussi cela : consentir à souffrir dans sa quête du Christ, à ce que ça ne soit ni facile ni de tout repos, et accepter que cela comporte son lot d’épreuves. Comment imaginer qu’il ne faille pas en passer par de sévères remises en cause ? Comment imaginer qu’il ne faille pas mourir à certaines illusions que l’on se fait sur soi-même, sur sa famille, sur sa communauté paroissiale ? N’est-ce pas ce qui nous arrive, par exemple, avec ce rapport sur les crimes commis dans l’église de France ?

Chercher et retrouver le Christ ne se fait pas sans douleurs : il y a forcément des obstacles, des conflits, des humiliations, provenant parfois de l’intérieur même de nos familles et communautés … et ce sont les plus douloureuses à vivre, à accepter et à assumer !


Ainsi donc frères et sœurs, en contemplant la famille fondée par Marie et Joseph qui nous est donnée en exemple - famille ô combien comblée de grâce et qui pourtant, laissa Jésus lui échapper, avant de le retrouver – nous pouvons peut-être discerner un itinéraire de conversion pour aujourd’hui, pour nos familles, nos paroisses, notre église de France.

Notre famille chrétienne - défigurée par les scandales, abîmée par les conflits et tensions de toute sorte, enfermée dans des clans ou des clubs plus ou moins idéologiques et que la crise sanitaire à renforcés - notre famille a besoin de retrouver le Christ !

Pour cela, nos familles humaines et paroissiales, plutôt que d’en rester à la certitude de posséder le Christ et d’avoir à l’apporter au monde, ne seraient-elles pas appelées à redevenir des familles conscientes de l’avoir laissé s’échapper, lucides sur le fait qu’il n’est plus là où nous le pensions, capables de sortir de leurs réseaux pour aller le chercher dans le monde, chez ceux à qui nous pensions devoir l’apporter, et qui sont peut-être finalement ceux qui nous révèlent et nous le manifestent ?

 

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