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Homélie du dimanche 10 octobre 2021

        Ce dimanche, s’ouvre à Rome ce que l’on appelle un synode dans le langage ecclésiastique. Il s’agit là d’une vaste consultation du peuple de Dieu, à l’échelle de l’Eglise universelle, qui permettra à tous de s’exprimer. Une sorte de “Brain-storming” géant, pour que chacun dise comment il voit les choses à propos d’un thème de réflexion donné.

Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Un synode de relève pas de l’art du “management”, ni d’une technique plus ou moins démocratique d’expression. Il s’agit d’un acte de discernement spirituel qui nous dispose à écouter ce que l’Esprit dit à l’Eglise, ce qui suppose qu’ensemble, en communauté, nous nous mettions à l’écoute de la Parole de Dieu. Le synode est un acte de prière, c’est la raison pour laquelle on ne parle pas “d’organiser”, mais bel et bien de “célébrer” un synode.

Ce synode-là est convoqué sur un thème en trois mots : communion ; participation ; mission. Il s’agit de discerner comment l’Eglise peut et doit s’organiser pour rester unie et que chacun devienne, en son sein, un disciple missionnaire capable de prendre sa part de l’annonce de l’Evangile.

Bien entendu, ce synode est en partie voulu par le pape François, en réaction au séisme accablant des multiples abus qui ont abimé tant de victimes et finalement défiguré l’Eglise du Christ. Il s’agit désormais que notre Eglise devienne une maison sûre, qu'elle soit en ordre de mission, dans un monde qui ne cesse de changer, au service d’une humanité confrontée à des défis inédits, tels que la question écologique ou celle de la bioéthique par exemple.

La perspective de ce synode nous offre peut-être une possibilité d’actualisation de l’Evangile de ce jour. Car, au fond, il s’agit bien de cela dans un synode : marcher ensemble, avec Jésus, suivre le Christ et devenir son compagnon de route. Nous pourrions faire nôtre la devise de nos Petites Sœurs Disciples de l’Agneau, qui se sont approprié de belle manière une citation de l’Apocalypse : « les petites sœurs suivent l’Agneau partout où il va.»

Comment chacun de nous personnellement, et tous ensemble en communauté paroissiale, nous voulons et nous pouvons suivre le Christ là où il nous précède et nous entraine ? Et d’une manière prophétique, l’expérience du jeune homme riche vient nous interpeller sur nos désirs et capacité à suivre l’Agneau, en nous rappelant une réalité bien humaine qui est aussi éminemment spirituelle.

Cette réalité, c’est que l’Homme est limité ! Il y a une finitude de la condition humaine, de sorte qu’il est impossible de tout avoir, de tout faire et d’être partout à la fois ! Au contraire du syndrome adolescentrique de la toute-puissance, la maturité de l’adulte consiste en un consentement à ses limites, qui se réalise dans la conscience vive qu’il n’existe pas de choix sans renoncement ! Et cette vérité de notre condition humaine est aussi valable pour notre vie religieuse : suivre le Christ suppose d’assumer des renoncements !

Or, il y a là une question désormais urgente et cruciale pour l’avenir de notre Eglise et de nos paroisses. De fait, s’il est facile d’identifier les renoncements les plus superficiels (renoncer à sa randonnée cycliste du matin pour aller à la messe, ou à son émission télévisée pour conduire ses enfants au catéchisme par ex.), force est de constater qu’il existe des attachements désordonnés plus subtil à diagnostiquer.

-      N’est-pas l’incapacité à renoncer à son image de marque dans l’opinion publique qui a pu conduire notre Eglise à ne pas dénoncer les crimes qui se commettaient en son sein ?

-        N’est-ce pas le refus de renoncer à une réputation dans un cercle d’amis ou un groupe social qui a conduit des familles à ne pas dénoncer des agressions dont leurs enfants étaient victimes ?

Et nous pourrions multiplier les exemples de ces “grands biens” auxquels nous sommes suffisamment attachés pour qu’à l’instar du “jeune homme riche” nous préférions finalement ne pas suivre le Christ sur les chemins de l’Evangile !

La question des disciples de Jésus peut donc (et doit, même) devenir la nôtre : « Mais alors qui peut être sauvé ? » Est-ce que l’Eglise peut être sauvée de sa culpabilité désormais révélée au grand jour ? Est-ce que nos paroisses peuvent être sauvées de leur vieillissement, où de la sécularisation croissante de  nos contemporains ? Est-ce que nos sociétés peuvent être sauvées des catastrophes écologiques, ou économiques, ou sociales ? « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu » dit Jésus.

Reste à savoir ce à quoi il nous faudra courageusement renoncer pour suivre l’unique Sauveur là où il veut nous conduire ?

-     Renoncer à une certaine conception de l’organisation paroissiale ? De la répartition des tâches et responsabilités entre prêtres et laïcs ?

-  Renoncer à un certain attachement à nos communes, au quadrillage ecclésiastique du territoire ?

-      Renoncer à nos nostalgies d’un passé pseudo-chrétien idéalisé et que nous ne pourrons jamais restaurer ?

-        Renoncer à des manières de vivre et de consommer désormais incompatibles avec les enjeux et défis d’aujourd’hui ?

Quels sont les détachements que nous devons vivre et assumer, la saine pauvreté dans laquelle entrer, la sobriété heureuse qu’il nous faut choisir pour suivre le Christ ?

Fort de ces questions, pour l’avenir de notre Eglise et de nos paroisses, pour ce synode qui s’ouvre aujourd’hui et dans le contexte qui est le nôtre, je veux conclure et redisant ici la citation de Bernanos par laquelle Sœur Véronique Margron, Présidente de la Conférence des Religieux et Religieuses de France (CORREF), terminait son allocution après la réception du rapport de la CIASE. Dans cette conférence de 1945, avec un autre vocabulaire, Bernanos parlait déjà de détachement, de renoncement, mais aussi de la perspective d’un avenir de grâce dans les pas de Jésus-Christ :

« L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir surmonté. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance. L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme… On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts »

Alors, n’ayons pas peur de plagier encore nos grands anciens et, avec ce synode qui s’ouvre,  entrons dans l’Espérance, tous ensemble !

                                                                                                                    Père Patrick


 

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